1854 - Le Choléra à Colmar
La dernière épidémie d´une longue liste. La plus connue aussi parce qu´elle relève de l´observation et des statistiques, non des chroniques et des légendes. Officiellement, elle a touché 505 personnes sur 21 348 habitants. 349 personnes y succombèrent. C´est peu dans l´absolu, c´est énorme au regard de l´émotion soulevée et de la peur qu´elle engendra. Car l´épidémie reste d´abord un traumatisme. Un choc qui concerne la population entière et qui touche directement une fraction importante de celle-ci. Elle installe le doute parmi ceux qui pensent avoir les moyens de l´enrayer, elle accable ceux qui de toute façon ne s´en sortiront pas. Le choléra est-il une fatalité qui ne touche que les milieux déshérités, la population démunie qui vit dans de mauvaises conditions d´hygiène ?
En apparence, oui ! On connaît le cheminement de cette pandémie, originaire de l´Asie, qui a déferlé sur le monde à partir de 1817 par six vagues successives. La transmission du choléra se fait toujours par voie orale. L´origine hydrique détermine l´épidémiologie. La qualité de l´eau est donc essentielle. On la boit, on se lave avec, on l´utilise pour traiter les aliments. A Colmar comme ailleurs.
Les rapports des années 1830, quand le choléra avait touché l´Europe et qu´une Intendance sanitaire avait été créée dans le Haut-Rhin, sont accablants. La propreté des rues et des maisons, tant à la ville qu´à la campagne, laisse sérieusement à désirer. Les écuries, les fumiers et les latrines à l´intérieur des habitations sont des foyers de contamination. Les mesures prises pour les bâtiments publics nettoyés à l´eau de chlore et badigeonnés à la chaux ne trouvent guère de prolongement chez les particuliers. Quant aux mesures hygiéniques recommandées à chacun par arrêté du maire, elles ne trouvent qu´un écho mesuré.
Rue de l´Eglise par Michel Hertrich, 1876. Musée d´Unterlinden.
Ce sont les habitants des quartiers aux rues étroites et mal aérées qui payèrent le plus lourd tribut. Les rues de la Herse, de la Poissonnerie, de la Harth, la rue Haslinger, notamment. Sur les 349 personnes décédées, 174 appartenaient à des familles d´ouvriers de fabrique, 104 étaient des journaliers. Quand vint l´heure du bilan et des commissions d´enquête, on attira une fois de plus l´attention sur le fait que la plupart des maisons de la ville n´avaient pas de fosse d´aisance, que les matières fécales étaient soit jetées sur les fumiers dans les cours intérieures ou directement déversées dans les cours d´eau de la ville. L´assainissement, indispensable pourtant, fut reporté : la municipalité ne voulait pas se brouiller avec ses administrés en leur imposant des dépenses supplémentaires.