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Articles sur l'histoire de Colmar

Les 4 émeutes de Colmar

Au milieu du XIXe, de 1833 à 1855, Colmar connut quatre mouvements populaires qui sont cités dans l'histoire locale sous le nom des quatres emeutes de Colmar. S'il ne faut guère en éxagerer le caratère radical - il s'agit de charivaris - ni l'ampleur - elles ne concernent qu'une partie de la population - elles n'en illustrent pas moins le divorce qui s'était installé entre l'administration et le petit peuple colmarien.

Ces coups de sang ont été embellis par la littérature locale pour devenir une chanson de geste des gens simples dans notre ville. Sous la plume d'un proffesseur du lycée de Colmar, Jean-Jacques Laurent, qui en fit un récit cocasse et versifié, ils sont devenu les émeutes de la piquette, des fagots, des concombres et des corbillards.


L'émeute de la piquette

L'émeute de la piquette  Les maraîchers et vignerons locaux avaient pour habitude de boire un vin qu´on ne trouvait pas sur les grandes tables et pour cause : il s´agissait d´une piquette âpre, appelée dans le dialecte local Bubberi, dont la fonction était uniquement désaltérante . En 1833, l´administration fiscale eut le malheur de vouloir taxer ce pseudo-vin au même titre que les vrais vins : à savoir 22 sols l´hectolitre.

Mal lui en prit. A la fin du mois d´octobre, la révolte gronda et gagna la ville à partir du quartier populaire de la Krutenau. Les ouvriers des fabriques rejoignirent les vignerons et les maraîchers.

On dressa des barricades, on lança des pierres aux forces de l´ordre. On voulut faire un sort au directeur des contributions, le vicomte de Croismare, en menaçant de le mettre dans une hotte pleine de piquette et de la déverser dans le ruisseau de la Sinn. La garde nationale fut requise, elle refusa de charger le peuple. Il fallut l´intervention du préfet et de l´armée pour rétablir l´ordre. Le vicomte fut destitué, la nouvelle taxation fut rapportée, les émeutiers emprisonnés furent acquittés. Il fut décidé de ne plus toucher au Bubberi des Colmariens.


L'émeute des fagots

L'émeute des fagotsNeuf ans plus tard, la municipalité, en quête de recettes nouvelles, décida de taxer le bois d´affouage qui permettait à chacun, et notamment aux plus déshérités, de se chauffer l´hiver, moyennant une somme symbolique. La mesure fut mal reçue. Le peuple décida, au milieu du mois de juin 1842, de faire un sort au maire Chappuis en allant occuper la mairie.

Les meneurs furent arrêtés et jetés en prison. Le lendemain, une vente de bois dans la forêt du Niederwald fut interrompue par les manifestants excités et passablement éméchés. Encouragés par ce succès, les émeutiers décidèrent de revenir en ville, avec cette fois-ci, la ferme intention de se saisir du maire en personne. Force resta à la loi. La municipalité, pour mettre fin à l´émeute, dut recourir à un escadron de lanciers venu de Sélestat et à quatre compagnies du 7e Régiment de ligne de Strasbourg. La facture fut salée. La recette escomptée fut sérieusement mangée par les frais occasionnés par la présence des troupes. La municipalité perdit tout crédit dans cette affaire.


L'émeute des concombres

Au plus fort de la crise du choléra, pour laquelle Colmar paya un lourd tribut, en 1854, l´administration, effrayée par l´hygiène déplorable régnant dans certains quartiers et par les risques de contagion, décida de porter son attention sur l´alimentation des Colmariens.

Elle en fut réduite à interdire quelques aliments à risques dont les concombres. Les maraîchers, qui en produisaient et en consommaient beaucoup, n´apprécièrent guère. Trois sœurs notamment, « vieilles matrones, crasseuses et laides », s´en prirent au sergent de ville, lors d´une visite inopinée sur le marché. On en vint aux mains. Le sergent et son escouade furent bombardés de concombres, courges, turneps, raves et topinambours par les trois furies auxquelles les autres maraîchers avaient fini par prêter main-forte. Il fallut, ici aussi, l´intervention de la police et de l´armée pour rétablir l´ordre. Le maire Chappuis, qui avait déjà dû affronter l´émeute des fagots, se serait bien passé de cette émeute supplémentaire…


L'émeute des corbillards

L´émeute des corbillards lui fut fatale en 1855. Jusque-là, les Colmariens rejoignaient leur dernière demeure au Rappendantz, littéralement « l´endroit où dansent les corbeaux », accompagnés par quelques artisans du cru : charpentiers, serruriers, sculpteurs et porteurs qui, depuis longtemps, avaient réalisé une entente qui leur permettaient d´améliorer leur ordinaire.

« La bande funéraire », comme on l´appelait, vit d´un très mauvais œil l´initiative de la ville de confier les enterrements à la toute nouvelle société des pompes funèbres. Elle s´en émut auprès de la population à qui elle n´eut aucune difficulté à faire croire qu´on voulait l´empêcher d´enterrer elle-même ses propres morts. Elle s´en prit aux corbillards professionnels qui, pendant quelque temps, durent faire le trajet au cimetière entourés de gendarmes et de policiers. L´affaire déplut au préfet qui finit par destituer… le maire Chappuis. L´occasion était excellente pour se débarrasser d´un maire dont subitement on se souvint qu´il avait été républicain en 1848 et mollement napoléonien sous Napoléon III. Son long mandat avait fini par déplaire.